La médina de Tunis

Multiple et foisonnante, la médina de Tunis offre bien des visages différents, à l’image de sa longue histoire enrichie d’influences diverses. Elle a été inscrite au Patrimoine mondial par l’Unesco.




Pendant toute la fin du Moyen Age, Tunis était une des cités majeures du monde musulman. Elle possède aujourd’hui une des plus vastes et des plus belles médinas du monde, riche de ses monuments qui se comptent par centaines, et de son tissu urbain caractéristique des villes arabes.


Tunis au Moyen Age

Son monument le plus ancien est la Grande mosquée, dite ez-Zitouna (mosquée de l’Olivier). Construite sous sa forme actuelle au IXe siècle, peu après celle de Kairouan – qui était alors la capitale –, elle lui est très semblable.

Dans sa salle de prière se dressent 184 colonnes antiques qui soutiennent la toiture ; prélevées pour la plupart sur le site de Carthage, elles trouvèrent ici une seconde vie.

A l’extérieur, l’harmonieux décor à base de niches et d’arcs rouges et blancs donne à la mosquée son caractère propre. 



La mosquée ez-Zitouna


C’est avec la dynastie des Almohades que Tunis prit définitivement, au XIIe siècle, son rôle de capitale. Capitale, d’abord, d’une province de leur empire ; puis centre du nouvel empire constitué au siècle suivant par leurs héritiers, les Hafsides

Ces souverains berbères agrandirent la citadelle des Almohades, la Kasbah, aujourd’hui disparue. Leur règne dura plus de trois siècles.

Tunis accueillait alors de nombreux Andalous fuyant l’Espagne ; l’un d’eux, le céramiste Sidi Kacem, était aussi un saint homme dont le mausolée à toiture pyramidale est représentatif du style hafside et de ses influences andalouses.

C’est aux Hafsides que la médina doit l’essentiel de sa configuration actuelle.


Sous les Ottomans

Mais de nombreux traits de la médina trahissent l’influence des Ottomans, qui à leur tour intégrèrent la Tunisie à leur empire à partir de 1574. 

Autour de la Grande mosquée qu’ils cernent de toute part, les souks centraux sont des marchés couverts dédiés aux activités les plus nobles : tailleurs, parfumeurs, libraires, bijoutiers, répartis par corporation.

Le souk at-Truk répondait aux besoins vestimentaires des Turcs ; le souk des Chéchias – dont quelques boutiques sont encore en activité – se chargeait des finitions et de la vente de ces bonnets de feutre rouge, spécialité de Tunis, qui étaient recherchés dans tout l’empire ottoman. 


Le souk el-Attarine (souk des parfums)


Les Turcs se construisirent des mosquées spécifiques pour pratiquer leur rite hanéfite. Contrairement aux mosquées traditionnelles de Tunisie, ces édifices incluent le tombeau de leur fondateur ; ils sont également reconnaissables à leur minaret de section octogonale, couronné par un balcon et un lanternon.

La première de ces mosquées est celle de Youssef Dey, voisine de la Kasbah, construite en 1616. Plus élancée et mieux décorée, la mosquée Hammouda Pacha reflète la prospérité acquise par la ville quarante ans plus tard.

Cependant, une seule mosquée ottomane de Tunis s’inspire du modèle de la Sainte-Sophie ou de la Souleïmanié d’Istanbul : la mosquée Sidi Mehrez, surmontée d’un large dôme entouré de coupoles plus petites. 

En Tunisie ottomane, le pouvoir a d’abord été détenu par les Deys, chefs de la milice des janissaires ; puis, rapidement, par les Beys, à la tête de l’armée chargée de sillonner le pays pour collecter l’impôt. Ces derniers prirent le titre de Pacha (gouverneur), puis s’affranchirent largement de la tutelle d’Istanbul. 


De cette époque datent de superbes médersas, collèges religieux destinés à former juristes et fonctionnaires. L’une des plus belles est la médersa es-Slimaniya, avec son patio aux élégantes arcades, ses panneaux de céramique à bouquets dans le style ottoman, son plafond en coupole orné de délicates arabesques.

On édifia aussi de nombreuses zaouïas, fondations religieuses, comme celle de Sidi Ibrahim er-Riahi à l’exubérant décor de plâtre sculpté. A partir du XVIIIe siècle, les membres de la famille beylicale se firent enterrer dans un vaste complexe funéraire surmonté de coupoles, Tourbet el-Bey

De l’ère ottomane datent aussi la plupart des palais qui se cachent derrière des portes magnifiquement décorées. Leurs salles s’organisent autour de patios entourés d’arcades et tapissés de céramique. Pierre sculptée, boiseries peintes de bouquets ou d’arabesques, vasques, panneaux de céramique et marqueterie de marbre… leur décor mêle harmonieusement le style traditionnel à de multiples influences turques, espagnoles, italiennes.


Le palais Dar Husseïn


Délaissée au XXe siècle en faveur des nouveaux quartiers, la médina de Tunis a conservé ses plus beaux monuments et son atmosphère propre. C’est un univers à part où se côtoient le luxueux et le populaire, l’ancien et le moderne, le religieux et le profane ; un lieu où se combinent la force d’une tradition millénaire et l’ouverture sur le monde.


Centres d’intérêt :

Sœur jumelle de celle de Kairouan et construite à la même époque, la Grande mosquée ez-Zitouna est un vaste sanctuaire occupant 5000 m2 au cœur de la médina. Son apparence extérieure doit beaucoup aux éléments décoratifs ajoutés au Xe siècle : arcs à claveaux rouges et blancs, niches juxtaposées, marqueterie de pierre aux teintes alternées.


La mosquée de la Kasbah (XIIIe siècle) dépendait de la citadelle hafside, aujourd’hui disparue. Son minaret à base carrée et à décor en losanges est inspiré de la Koutoubia de Marrakech, capitale de la dynastie almohade ; c’est aujourd’hui le plus ancien minaret de Tunis. Il a servi de modèle lors de la reconstruction de celui de la Grande mosquée, en 1894.



Dar Othman est l’un des plus anciens palais de l’ère ottomane. Sa somptueuse façade extérieure en marbre blanc et noir, ses panneaux de céramique et de plâtre sculpté, ses arcs outrepassés soutenus par des chapiteaux andalous sont remarquables de l’art tunisois du début du XVIIe siècle. 



La mosquée Hammouda-Pacha (du nom d’un des plus grands Beys de Tunis) reflète la prospérité de la ville au XVIIe siècle. Son minaret octogonal, typique des mosquées turques, est fin et élancé ; une élégante marqueterie de marbre orne le mausolée du souverain, qui jouxte la salle de prière. 

La mosquée Mohamed-Bey (fin du XVIIe siècle) est aussi connue sous le nom de mosquée Sidi Mehrez. Elle est la seule à Tunis à respecter le plan des grandes mosquées d’Istanbul : une salle carrée entourée par la cour sur trois côtés, et surmontée d’un large dôme central complété par des coupoles plus petites. L’édifice, inachevé, est cependant dépourvu de minarets.


La seconde dynastie de Beys, les Husseïnites, se construisit un complexe funéraire privé au cœur de la médina appelé Tourbet el-Bey. C’est un ensemble de cours et de salles richement décorées, surmontées de coupoles tantôt rondes, tantôt ovales. Les tombes masculines y sont surmontées d’une coiffe turque ou d’un turban sculptés dans le marbre.


Texte : © G. Mansour, “Tunisie, patrimoine universel”, Dad Editions, 2016


Pour en savoir plus :

Tunis et sa région

Les sites tunisiens inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco


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