Le site de Dougga

Le site archéologique, particulièrement impressionnant, s’étend sur environ 75 ha et offre les vestiges d’une petite ville romaine avec toutes ses composantes. Outre ses somptueux monuments romains, il présente de nombreux témoignages de la synthèse avec les cultures punique, numide et hellénistique. Le site est inscrit sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Humanité de l'Unesco.


Etagés au flanc d’une hauteur qui s’achève en falaise abrupte, à l’apparition des premiers reliefs de la chaîne de l’Atlas au nord-ouest de la Tunisie, émergent les vestiges d’une cité antique magnifiquement conservée avec toutes ses composantes : temples, établissements publics, arcs monumentaux, maisons, rues pavées…

A son sommet, la silhouette élancée d’un temple capitolin. En contrebas, un haut mausolée en forme de tour d’allure orientale.

Le premier exprime dans toute son élégance la dévotion aux dieux protecteurs de Rome. La seconde traduit la fidélité à la culture préromaine, puisqu’il s’agit d’un des rares témoignages connus de l’architecture royale numide.

Ces deux monuments résument à eux deux l’histoire de Thugga, ville numide, devenue une cité prospère de l’empire romain.

Les Numides étaient ce peuple autochtone ancêtre des Berbères dont la civilisation s’épanouit au contact de Carthage, et qui constitua deux royaumes au Maghreb central à partir du IVe siècle avant J.-C.

Tantôt alliés, tantôt adversaires de Rome, ils virent finalement leur territoire intégré à l’empire romain au Ier siècle avant J.-C.


Dieux romains, dieux de Carthage

Le premier monument qu’on aperçoit en arrivant à Dougga, ce sont les fières colonnes du temple de Saturne.

Ce dieu romain faisait l’objet d’un culte particulier en Afrique car il était assimilé à Baal Hammon, le grand dieu carthaginois ; or c’est justement sur l’emplacement d’un ancien sanctuaire de Baal qu’a été construit ce temple, preuve de la survivance de l’ancienne culture numido-punique.

Puis apparaît le théâtre, un des mieux conservés d’Afrique romaine. Son hémicycle, en particulier, est de toute beauté.

Creusé en partie à flanc de colline, capable d’accueillir 3 500 spectateurs, il était sans doute surdimensionné pour une ville qui n’a pas dû dépasser les 5 000 habitants.

Il témoigne de la course aux honneurs qui s’était emparée, au IIe siècle après J.-C., des riches familles de Thugga dont chacune voulait offrir à sa cité le monument le plus prestigieux.

Le Capitole de Dougga est tout aussi exceptionnel.

Ce temple dédié à la triade capitoline – Jupiter, Junon et Minerve – dresse ses hautes colonnes cannelées surmontées de chapiteaux corinthiens, et son fronton triangulaire délicatement sculpté et doré par des siècles d’ensoleillement.

A l’autre extrémité du site, le temple consacré à la Junon céleste (Juno Caelestis) est entouré d’une galerie soutenue par des colonnes et dessinant un demi-cercle, forme inhabituelle en Afrique romaine.

Là encore, ce temple signale la survivance des cultes préromains puisque cette divinité ne serait autre que l’héritière de Tanit, la grande déesse de Carthage.


Sous la ville romaine, le passé numide

Au pied de ces monuments s’égrènent d’innombrables vestiges : forum, boutiques, places publiques, fontaines, maisons, et plus d’une vingtaine de temples et lieux de culte divers.

Sans oublier les thermes, élément essentiel du mode de vie romain. Située dans une région où l’eau est abondante, Thugga possédait trois de ces établissements.

Le plus imposant, les thermes Antoniniens (anciennement appelés Liciniens), offre une architecture symétrique, vaste et harmonieuse, où les différentes salles – chaudes ou froides, sèches ou humides… – sont dédoublées pour plus de confort et de fluidité des circulations.



Quant au mausolée numide, en contrebas de la ville, il apparaît comme la superposition d’une chambre funéraire, d’un temple et d’une pyramide, cumulant ainsi les symboles de l’architecture sacrée de Grèce et d’Egypte.

Cette forme l’apparente au célèbre Mausolée d’Halicarnasse, l’une des sept merveilles du monde antique, et montre la proximité des Numides avec le monde hellénistique.

Il portait une inscription gravée en deux langues, libyque (la langue locale) et punique (celle de Carthage), aujourd’hui conservée à Londres. 

Edifié par des constructeurs numides au milieu du IIe siècle avant notre ère, ce monument de prestige confirme l’importance de cette ville qui a été une résidence royale du grand roi Massinissa, unificateur de la Numidie et ennemi d’Hannibal.

C’est une spécificité du site de Dougga que de montrer à la fois un modèle typique de ville romaine avec ses monuments les plus représentatifs, et leur intime imbrication avec la civilisation préexistante.

Le forum romain se superposait sans doute à l’ancienne agora numide, et au pied du Capitole ont été découverts les restes d’un temple dédié au roi numide Massinissa.

Mais la valeur du site de Dougga réside aussi dans l’extraordinaire beauté de ses vestiges qui s’étendent dans un paysage verdoyant d’oliviers et de champs de blé.

Centres d’intérêt :

Le mausolée libyco-punique est un monument funéraire sans doute dédié à un membre de la dynastie royale numide. Spectaculaire avec ses vingt-et-un mètres de hauteur, il a conservé des bas-reliefs représentant des chars tirés par quatre chevaux, et des fragments de décoration mêlant influences grecques et égyptiennes.

Un des plus beaux édifices de Dougga, le Capitole comporte à son fronton un bas-relief représentant l’apothéose de l’empereur Antonin le Pieux emporté par un aigle – symbole de son admission parmi les dieux. Comme pour d’autres édifices de Thugga, ses murs ont été bâtis selon la technique punique de l’opus africanum (appareil à chaînage).

Le théâtre de Dougga est représentatif de ces édifices monumentaux dont la vocation était multiple. La population de Thugga s’y rassemblait pour assister à des spectacles mais aussi des cérémonies officielles ou des annonces politiques. Il a conservé ses gradins étagés sur une hauteur de 15 mètres, et une partie de sa colonnade de scène.

Le temple de Juno Caelestis est composé selon une formule originale, unique dans toute l’Afrique romaine. Dressé sur un podium, il était entouré d’une cour fermée semi-circulaire bordée d’un portique. Cette forme symbolisait peut-être le croissant lunaire, attribut de la déesse punique Tanit à qui Caelestis était assimilée dans l’Afrique romaine.

Les thermes Antoniniens, établis en terrain accidenté, ont nécessité d’importants travaux de terrassement. L’entrée est en surplomb et les différents espaces (frigidarium, tepidarium, caldarium, sudatorium, laconicum, palestres) sont répétés symétriquement pour former un vaste complexe.

© G. Mansour, “Tunisie, patrimoine universel”, Dad Editions, 2016

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