Kairouan

Première ville fondée au Maghreb par les musulmans, Kairouan a conservé à travers les siècles une aura de ville sainte. Capitale de l’Ifriqiya, la partie orientale du Maghreb, pendant le haut Moyen Age, elle a été aussi un centre de civilisation au rayonnement considérable. Elle est inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Humanité de l'Unesco.



Kairouan a été fondée en 670, à l’endroit précis où s’élève aujourd'hui sa Grande mosquée.

Le général arabe Oqba Ibn Nafi, chargé par le calife omeyyade de Damas de conquérir la lointaine Africa byzantine, aurait choisi cet emplacement pour construire une mosquée et établir une ville-camp.

Mais c’est en 836 que la Grande mosquée a adopté, pour l’essentiel, son aspect actuel ; Kairouan était alors la capitale d’un puissant émirat, celui des Aghlabides.


Racines antiques et art islamique 

Cette mosquée est à la fois le plus prestigieux sanctuaire musulman du Maghreb, et un chef-d’œuvre de l’architecture universelle.

De l’extérieur, son épaisse muraille hérissée de nombreux contreforts semble évoquer les dangers des temps héroïques. A l’intérieur, l’immense cour bordée d’arcades respire l’harmonie et la sérénité.

Sur l’un de ses côtés se dresse la masse austère du minaret, semblable à un phare antique. Le côté opposé, dont l’élégante galerie à double rangée d’arcades est surmontée d’un dôme cannelé, forme la façade de la salle de prière. 

Depuis la colonnade des galeries jusqu’à l’encadrement de la porte du minaret, le remploi d’éléments antiques saute aux yeux : la Grande mosquée de Kairouan, si elle est un des premiers édifices monumentaux dédiés à la nouvelle religion, reste ancrée dans une longue tradition architecturale.

L’intérieur de la salle de prière conforte cette impression. C’est ici une véritable forêt de colonnes antiques, surmontées de chapiteaux aux formes variées, qui emplit tout l’espace ; mais cet espace indifférencié, dépourvu de centre, seulement orienté vers le mur de qibla vers lequel les fidèles se tournent pour la prière, est caractéristique de l’architecture islamique.

Au centre de ce mur se situe un des ensembles les plus remarquables de la mosquée : le mihrab, haute niche indiquant la qibla.

Tapissé de panneaux de marbre ajouré, encadré de colonnes de porphyre et de carreaux de céramique lustrée aux délicats reflets dorés, il est coiffé d’une demi-coupole de bois sombre recouverte de sublimes arabesques dorées.

A côté se trouve un autre trésor inestimable : la plus ancienne chaire à prêcher (minbar) du monde musulman conservée jusqu’à nos jours.

Les panneaux de bois sculpté qui la composent, tous différents dans leur décor, constituent un des premiers chefs-d’œuvre de l’art de l’arabesque.

Tous deux remontent au IXe siècle.

La mosquée possède aussi un autre chef-d’œuvre de boiserie sculptée, une maqsura (enceinte privée réservée au prince) datant du XIe siècle.



Une capitale devenue ville sainte

Un témoignage du prodigieux développement de Kairouan dès le IXe siècle est donné par les imposants Bassins des Aghlabides situés à l’extérieur de la médina.

Ces installations hydrauliques faisaient partie d’un ensemble beaucoup plus vaste, exceptionnel pour leur époque, composé de quinze bassins et de citernes.

En subsistent deux bassins de construction robuste et harmonieuse, dont le plus grand atteint un diamètre de 128 mètres.Ces équipements pour la décantation et le stockage de l’eau étaient indispensables au bien-être d’une grande ville située dans un environnement aride.

Saccagée lors d’invasions au XIe siècle, Kairouan céda la prééminence à Tunis et déclina.

Elle conserva cependant son prestige de ville sainte, perpétuant le souvenir des premiers combats et de leurs martyrs.

C’est au XVIIe siècle que l’un d’eux, Abou Zamaa el-Balaoui, que les Tunisiens surnomment Sidi Sahbi, s’est vu édifier par le Bey de Tunis un superbe mausolée connu sous le nom de « mosquée du Barbier ».

Situé en dehors de l’enceinte de la médina, celui-ci fait partie d’un complexe plein de charme aux multiples salles et cours tapissées de faïence multicolore, ornées de plâtre délicatement sculpté.

A la fois mausolée, école, mosquée et fondation religieuse, ce monument constitue un grand pôle de ferveur religieuse autour du souvenir d’Abou Zamaa, compagnon du Prophète.


Kairouan compte bien d’autres édifices témoignant de sa vocation pieuse, comme ses multiples zaouïas (fondations religieuses et sièges de confréries) et son puits Barrouta qui serait miraculeusement relié au puits Zem-Zem de La Mecque.

D’autres monuments représentent des témoignages inestimables sur l’architecture médiévale.

Mais Kairouan, c’est aussi cette médina au charme simple et fascinant, chaulée de blanc et de bleu, toute semée de coupoles nervurées et entourée de remparts crénelés, que l’historien tunisien Hassen Hosni Abdelwahab a qualifiée de “joyau du Maghreb et perle du patrimoine architectural arabe”.

Centres d’intérêt :

Véritable musée d’art antique, la Grande mosquée possède la plus grande collection de chapiteaux romains et byzantins réunis dans un monument musulman.

On les retrouve dans les galeries entourant la cour et dans la salle de prière, où les différences de teinte et de forme des colonnes et des chapiteaux se fondent dans l’harmonie de l’ensemble.

Le mihrab de la Grande mosquée, niche indiquant l’orientation de la prière, est remarquable par son décor d’arabesques végétales dorées, ses carreaux de faïence à reflets métalliques importés d’Irak et ses colonnes de porphyre rouge.

Il est surplombé par une coupole dont le décor intérieur sculpté (rosaces, coquilles) renvoie à l’héritage omeyyade.

La petite mosquée des Trois-Portes est exceptionnelle par son ancienneté (IXe siècle) et par sa façade richement sculptée d’inscriptions et de motifs végétaux, la plus ancienne connue dans l’architecture islamique.

La zaouïa (fondation religieuse) de Sidi Abid al-Ghariani aurait été construite au XIIIe ou au XIVe siècle. Elle est un bel exemple de la sobre et élégante architecture d’époque hafside : une cour pavée de marbre dessinant des entrelacs géométriques, une arcade à claveaux blancs et noirs, une coupole pyramidale recouverte de tuiles vertes…

Edifié au XVIIe siècle, le mausolée d’Abou Zamaa, ou zaouïa Sidi Sahbi, emprunte à la fois à l’architecture traditionnelle de Kairouan (coupole à cannelures) et à celle d’Andalousie (minaret). Ses décorations de plâtre sculpté et ses murs recouverts de céramique polychrome d’inspiration espagnole ou turque constituent un merveilleux répertoire décoratif de cette époque.

La zaouïa de Sidi Amor Abada, personnage mégalomane du XIXe siècle adulé par la population, compte par moins de six coupoles dans le style traditionnel de Kairouan.

© G. Mansour, “Tunisie, patrimoine universel”, Dad Editions, 2016

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